Production d'élèves

Plusieurs élèves du collège Michel Servet ont rendu hommage à Marianne Cohn, en récitant des textes poétiques. sur la Résistance et la Liberté. Un grand merci pour leur beau travail !

Je sais pourquoi l'oiseau en cage chante, Maya Angelou

Je sais pourquoi l'oiseau en cage chante

L'oiseau libre sautille
Sur le dos du vent
Et flotte en aval
Jusqu'à ce que s'achève cet élan
Et plonge ses ailes
Dans les rayons orange du soleil
Et ose défier le ciel.

Mais un oiseau qui piétine
dans sa cage étroite
peu rarement voir à travers
ses barreaux de rage
ses ailes sont entravées et
ses pattes sont liées
alors il ouvre sa gorge pour chanter.

L’oiseau en cage chante
avec un trémolo de peur
des choses inconnues
mais espérées encore
et sa mélodie se fait entendre
sur la colline lointaine
parce que l’oiseau en cage
chante la liberté.

L’oiseau libre pense à une autre brise
et aux alizés doux à travers les arbres soupirants
et aux vers tout gras l’attendant sur une pelouse luisante à l’aube
et il désigne le ciel comme sien.

Mais un oiseau en cage s’assoit sur la tombe de ses rêves
son ombre piaille d’un cri de cauchemar
ses ailes sont coupées, ses pattes liées
alors il ouvre sa gorge pour chanter.

L’oiseau en cage chante
avec un trémolo de peur
des choses inconnues mais désirées encore
et sa mélodie se fait entendre
sur la colline lointaine parce que l’oiseau en cage
chante la liberté.

Je trahirai demain, Marianne Cohn

« Je trahirai demain »

Je trahirai demain pas aujourd’hui.
Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles,
Je ne trahirai pas.

Vous ne savez pas le bout de mon courage.
Moi je sais.
Vous êtes cinq mains dures avec des bagues.
Vous avez aux pieds des chaussures
Avec des clous.

Je trahirai demain, pas aujourd’hui,
Demain.
Il me faut la nuit pour me résoudre,
Il ne faut pas moins d’une nuit
Pour renier, pour abjurer, pour trahir.

Pour renier mes amis,
Pour abjurer le pain et le vin,
Pour trahir la vie,
Pour mourir.

Je trahirai demain, pas aujourd’hui.
La lime est sous le carreau,
La lime n’est pas pour le barreau,
La lime n’est pas pour le bourreau,
La lime est pour mon poignet.

Aujourd’hui je n’ai rien à dire,
Je trahirai demain.

Marianne Cohn, « Je trahirai demain », 1943.
Repris dans Pierre Seghers, La résistance et ses poètes : France, 1940-1945, Paris, Éditions Seghers, 1974.
© Éditions Seghers, 1974.

Jean Joubert Ce que souffle l'insomnie

La femme à sa fenêtre, Al Masri

Je veux préparer un monde
où il n’y aura plus d’armes
ni de guerre
un monde où une mère
aimera le fils d’une autre mère
comme son fils
un monde qui ne fera pas de différence
entre les hommes
un monde nouveau
où ne compteront plus la gloire
ni les défaites.
Je veux préparer un monde
qui ne croira plus à l’Arche de Noé.
Je veux préparer un monde
où aucun être humain ne sera sans maison
où nul ne mourra
de froid ni de faim.
Je veux préparer un monde
où moi deviendra nous
et nous sera moi.
Je veux préparer un monde
naïf
et sincère
comme ce poème.

 

Maram al-Masri (née en 1962 à Lattaquié, Syrie) – Elle va nue la liberté (2013)

La rose et le réséda, Louis Aragon

« La Rose et le Réséda »

À Gabriel Péri et d’Estienne d’Orves comme à Guy Môquet et Gilbert Dru

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous deux adoraient la belle
Prisonnière des soldats
Lequel montait à l'échelle
Et lequel guettait en bas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Qu'importe comment s'appelle
Cette clarté sur leur pas
Que l'un fût de la chapelle
Et l'autre s'y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du coeur des bras
Et tous les deux disaient qu'elle
Vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Du haut de la citadelle
La sentinelle tira
Par deux fois et l'un chancelle
L'autre tombe qui mourra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Ils sont en prison Lequel
A le plus triste grabat
Lequel plus que l'autre gèle
Lequel préfère les rats
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Un rebelle est un rebelle
Nos sanglots font un seul glas
Et quand vient l'aube cruelle
Passent de vie à trépas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Répétant le nom de celle
Qu'aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle
Même couleur même éclat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Il coule il coule il se mêle
A la terre qu'il aima
Pour qu'à la saison nouvelle
Mûrisse un raisin muscat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
L'un court et l'autre a des ailes
De Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle
Le grillon rechantera
Dites flûte ou violoncelle
Le double amour qui brûla
L'alouette et l'hirondelle
La rose et le réséda

Louis Aragon, « La Rose et le Réséda », mars 1943.
Repris dans La Diane française, Paris, Éditions Seghers, 1944.
© Éditions Seghers, 1944

Le chant des partisans, Kessel Druon

Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne
Ohé, partisans, ouvriers et paysans c'est l'alarme
Ce soir l'ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes.

Montez de la mine, descendez des collines, camarades,
Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades,
Ohé, les tueurs, à vos armes et vos couteaux, tirez vite,
Ohé, saboteurs, attention à ton fardeau, dynamite.

C'est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères
La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère
II y a des pays où les gens au creux des lits font des rêves
Ici, nous, vois-tu, nous on marche, nous on tue ou on crève.

Ici, chacun sait ce qu'il veut, ce qu'il fait quand il passe
Ami, si tu tombes, un ami sort de l'ombre à ta place,
Demain du sang noir séchera au grand soleil sur nos routes
Chantez, compagnons, dans la nuit la liberté nous écoute.

Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne
Ami, entends-tu le vol noir du corbeau sur la plaine

Strophes pour se souvenir, Aragon

Qui es-tu ? Yannis Ritsos

Qui es tu ?

Je suis celle qui leur fait peur,

je suis celle qu'on emprisonne,

je suis celle qu'on brûle, je suis celle qu'on tue.

C'est moi qui fait fleurir les arbres du coeur quand je passe,

qui fait tomber les montagnes de leur hauteur,

qui fait revenir l'Histoire sur ses pas et qui colore la terre de mon soleil.

c'est moi celle qui crie à la face du dictateur, celle qui vit seulement dans les esprits nobles,

celle que connaissent seulement les coeurs des héros,

celle qui ne marchande pas et qui n'est pas à vendre,

Je suis le pain de la vie et son lait

Mon nom est :

Liberté